mercredi, avril 04, 2007

Bayrou : révolutionnaire ou girouette ?

L’histoire présidentielle de François Bayrou, c’est avant tout une affaire de stratégie, mais aussi (et les deux sont ici étroitement liées) d’image. Jusqu’à son envolée dans les sondages, voici seulement quelques mois, François Bayrou était le chantre du sempiternel ni-nisme centriste, l’incarnation même de tout ce qui rendait cette famille politique haïssable aux yeux de bien des Français dont je suis : un centrisme mollasson, accroché à la droite davantage par habitude que par réelle conviction, volontiers servile, et dont la seule force idéologique résidait dans un fédéralisme européiste pas toujours follement ambitieux et encore moins démocratique. À tout le moins ne pourra-t-on enlever au président de l’UDF d’avoir toujours fait montre d’une grande honnêteté intellectuelle, lui qui était l’un des rares, parmi les partisans de la Constitution européenne, à défendre l’idée qu’un texte aussi important ne pouvait être ratifié autrement que par référendum. Dans le même ordre d’idée, il était de ceux qui, après la réélection de Jacques Chirac en 2002, mettait en garde contre un président élu à 82 % qui gouvernerait avec une majorité ne s’appuyant que sur ses 19 % du premier tour, et prônait une vaste union pour mener à bien les réformes indispensables. On connaît la suite de l’histoire.

Pour cette présidentielle de 2007, François Bayrou change de stratégie, passant du « ni-ni » lénifiant et droitier (l’UDF se délestant au passage des figures emblématiques du centrisme mou, les Méhaignerie, les Douste-Blazy et autres) à un « et-et » aux accents volontiers révolutionnaires : désormais, à l’UDF, on se veut « antisystème ». À l’UMP comme au Parti socialiste, on en rit. Bayrou et Che Guevara, ce n’est pas le même tempérament. Aucun risque de confusion. À ce compte-là le seul « Che » que le centriste est susceptible d’imiter, c’est Jean-Pierre Chevènement. Ce ne sera pas B comme Bolivar, mais B comme baudruche.

Cette comparaison n’était pas infondée : MM. Chevènement et Bayrou ont choisi, à cinq années d’intervalle, le même créneau de la « rupture » avec un système jugé inefficace et même dangereux. Et tous deux ont connu le même succès initial, grimpant dans les sondages jusqu’à dépasser le troisième larron habituel, Jean-Marie le Pen.

Néanmoins, François Bayrou a réussi là où Jean-Pierre Chevènement avait échoué. Faute d’avoir su transformer l’essai en adaptant un discours, somme toute très « sciences politiques », à un électorat plus populaire, le « Che » était demeuré le champion de quelques intellectuels, socialistes déçus ou héritiers d’un gaullisme moribond. La tête dans les nuages d’une république idéale et les pieds sur la chaussée parisienne, le candidat Chevènement a connu le succès que l’on sait.

Le talent de François Bayrou, c’est d’avoir su éviter cet écueil. Lui a su s’attirer les faveurs de l’électorat populaire. En jouant sur son image, d’abord, celle du « petit » qui n’a pas peur des gros, du fils d’agriculteur qui n’a pas fait Science-Po Paris ou l’ENA., du seul, parmi les quatre premiers candidat, à ne pas être soumis à l’impôt sur la fortune. Sur le fond aussi, le candidat UDF cultive sa différence. Son programme est minimaliste : pas question pour lui de dresser un inventaire de promesses long comme une péniche ou de manger à tous les râteliers. Lui veut incarner la politique telle qu’elle devrait se faire, non pas sur la base d’idéologies, mais en répondant aux attentes des « vrais gens » : pas celles d’un peuple de gauche mythique ou d’un peuple de droite tout aussi imaginaire, mais du peuple français qui, dans son ensemble, ne voit pas pourquoi il devrait être sempiternellement condamné à choisir entre la solidarité, le travail, la liberté et l’ordre. Ces quatre valeurs cardinales (qui incarnent, peu ou prou, la gauche, le centre et la droite) forment un carré magique de l’action politique, à l’intérieur duquel résident toutes les aspirations du citoyen. Jean-François Kahn avait rêvé cet "extrême centre" : François Bayrou l’a fait. À l’UMP et au PS, les rires s’étranglent dans des gorges serrées et se muent en grincements de dents. Désormais, le mot d’ordre, à droite comme à gauche, c’est haro sur l’UDF.

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